Retrouvez ici mon intervention à l’Assemblée Nationale et mon interview à France Bleu
J’avais demandé la création d’une commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité des centrales nucléaires le 28 novembre dernier, suite à l’intrusion de 22 militants de Greenpeace dans la centrale nucléaire de Cruas-Meysse. Cette commission vient d’être créée.
Le 28 novembre dernier, un groupe de militants de l’Association Greenpeace pénétrait dans la centrale nucléaire de production électrique de Cruas en Ardèche, quelques semaines seulement après une intrusion de même type en Lorraine, à Cattenom.
Le même jour, dans ce même hémicycle, j’interrogeais Monsieur le Ministre de l’Intérieur sur les failles sécuritaires des centrales tout en lui indiquant que mon groupe souhaitait la création d’une commission d’enquête sur la sécurité de nos sites nucléaires.
Si Monsieur le Ministre a balayé d’un revers de main ma proposition en rétorquant qu’il n’y avait là « pas de sujet », c’était sans compter sur mes collègues de la Majorité qui ont partagé visiblement mon analyse. Je les remercie d’avoir rendu possible cette commission d’enquête qui va donc associer la question de la sûreté et celle de la sécurité.
Nos concitoyens ont accordé pendant des années un niveau de confiance élevé à la puissance publique chargée d’assurer sûreté et sécurité. Tout porte à croire que ceux qui n’ont pas confiance dans la sécurité de nos centrales nucléaires, sont désormais majoritaires dans le pays.
Cette évolution est préoccupante. Elle doit nous interpeler. Elle nous oblige collectivement.
Notre responsabilité est de reconstruire cette confiance, inévitablement mis à mal lorsque 22 militants pénètrent en moins de 10 minutes dans un site nucléaire.
Ces opérations médiatiques qui interpellent l’opinion, font suite au travail que Greenpeace a mené pendant 18 mois avec des experts internationaux sur la protection de notre parc nucléaire face au risque terroriste. Ses conclusions sont inquiétantes.
Sept experts des questions nucléaires et du terrorisme, mandatés par l’ONG, ont produit différents scénarios d’attaques sur nos 19 centrales nucléaires.
Les conclusions du rapport sont tellement alarmistes qu’il a été décidé de ne rendre publique qu’une version expurgée des informations les plus sensibles.
Que nous apprend ce rapport ? Il nous apprend que nous connaissons un déficit historique de la protection de nos installations, et notamment des piscines de refroidissement. Il nous apprend que la prise en compte du risque terroriste en 2018 n’est pas à la mesure de sa réalité sans précédent dans son histoire. Ce rapport pointe également des failles dans la coordination des acteurs impliqués sur la sécurité nucléaire.
Il est aujourd’hui admis que les piscines d’entreposage des combustibles usés, constituent le talon d’Achille du parc nucléaire. Les 62 piscines réparties sur le territoire national n’ont pas été traitées dans leur construction comme l’ont été les bâtiments réacteurs. Elles sont bien moins protégées et donc particulièrement vulnérables.
Si l’un d’elles est endommagée par une attaque terroriste, la diminution du niveau de l’eau peut entraîner en quelques heures de graves rejets radioactifs.
Nul doute qu’une organisation criminelle, voire même un individu isolé, peut avoir une capacité de malveillance face à laquelle les mesures de sécurité conventionnelles ne permettraient pas de faire face.
Aujourd’hui le principe de précaution est en question pour les agents et pour la population. Quelle peut-être la confiance accordée à la parole publique qui assène que la sécurité est assurée sur nos sites nucléaires alors qu’une association y pénètre avec une facilité déconcertante autant de fois qu’elle le souhaite ?
Les failles sécuritaires doivent être connus, évaluées et les mesures qui s’imposent doivent être prises, car aucun de nos concitoyens n’admettra le mensonge, aucun n’admettra que son intégrité physique et celle de ses enfants soient sacrifiées sur l’autel d’une quelconque raison.
La France a choisi de mettre le nucléaire au cœur de sa politique énergétique. Elle doit l’assumer en commençant par garantir la sûreté et la sécurité de ses installations, de manière coordonnée avec l’exploitant, sans que l’un ne puisse se défausser sur l’autre.
La sûreté est l’autre volet de cette Commission d’enquête. Globalement bien assurée par EDF, dont je salue le travail des agents, elle n’en reste pas moins un sujet majeur au moment où l’objectif de parvenir à diminuer la part de nucléaire dans la production électrique française dès 2025 vient d’être remis à plus tard. Je ne saurai trop conseiller à l’électricien français et au Ministre Nicolas Hulot, d’échanger leurs agendas respectifs.
S’il s’agit de prolonger la durée de vie des centrales le plus longtemps possible comme vient de l’annoncer le directeur du Parc Nucléaire français d’EDF, alors cette commission d’enquête prend tout son sens, ne serait-ce que pour rappeler que les tergiversations de calendrier atteignent la crédibilité de la parole publique.
Pour conclure, je veux souligner la lourde responsabilité de cette Commission d’enquête. Elle devra travailler dans la sérénité, la transparence et produire un avis suffisamment clair pour être suivi d’une traduction politique.
Il s’agira de ne pas de tomber dans l’absurde argumentaire qui voudrait que la sensibilité du sujet soit telle auprès de l’opinion, que la raison d’Etat nous commanderait de nous taire.
Nous avons un devoir de vérité. Nous aurons ensuite un devoir d’action.
Cette Commission d’enquête n’aura de sens que si elle remplit cette double exigence. S’y soustraire serait renoncer. Et renoncer serait un aveu d’impuissance que mon groupe et j’en suis sûr, bien des Parlementaires, ne pourraient admettre.
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