Depuis le mois de février, nous menons, avec de nombreux collègues sur les bancs de la Gauche, une bataille pour contraindre le gouvernement à abandonner cette réforme inique et brutale, qui n’est pas acceptable, tant sur la forme que sur le fond.
S’agissant de la forme, le gouvernement a réduit au maximum les débats parlementaires, ce qui ne pouvait permettre la sérénité du débat. Par la procédure d’urgence que rien ne justifiait pourtant, il a contraint le Parlement à examiner la réforme en 50 jours. En 2020, les députés ont débattu pendant 122 heures de la réforme des retraites en séance publique, contre seulement 73 heures en 2023. Si l’on ajoute l’examen du projet de loi en commission, il y a eu deux fois moins de débats en 2023 qu’en 2020 !
Il en va de même au Sénat, où le gouvernement, en concertation avec la droite sénatoriale, a recouru à tous les artifices constitutionnels et réglementaires disponibles : refus de considérer une douzaine de sous-amendements proposés par la gauche, utilisation du principe du vote bloqué qui ne permettait de ne se prononcer que sur l’article et pas sur les amendements, etc. Il est apparu par ailleurs au grand jour que le Gouvernement n’a pas hésité à exercer des pressions fortes sur des députés de la majorité qui souhaitaient voter contre ce texte ou s’abstenir, de même qu’il n’a pas hésité à s’engager sur des soutiens à des projets territoriaux chers à certains députés Les Républicains en contrepartie de leur vote.
Quant au fond, nous avons veillé à mettre en lumière les incohérences de ce projet et à dénoncer les informations fallacieuses du gouvernement, grâce notamment aux travaux d’enquête qu’a mené mon collègue Jérôme Guedj qui a utilisé ses pouvoirs de co-président de la MECSS (Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale) pour effectuer une inspection inopinée au Ministère des solidarités et à la CNAV. Par un travail rigoureux et de fond, il a éclairé ce débat et contribué à faire tomber nombre d’arguments avancés par le Gouvernement.
Ces investigations sur pièce et sur place, ainsi que l’ensemble de nos discussions, nous ont permis plus précisément de mettre en évidence trois points importants :
- Premièrement, il est à noter que 60% des coûts engendrés par la réforme des retraites seront supportés par les femmes. En effet, les femmes sont les plus concernées par les carrières hachées ou incomplètes. Elles sont donc contraintes de travailler plus longtemps pour compléter leurs annuités. Actuellement, l’âge moyen de départ à la retraite pour les femmes est de 63,2 ans, contre 62,7 ans pour les hommes. Toute réforme visant à allonger l’âge légal de départ à la retraite aura donc un effet plus pénalisant encore pour les femmes. En outre, le report de l’âge légal de départ à la retraite entrainera mécaniquement un moindre intérêt de la majoration de trimestres pour enfant. Ainsi, les femmes nées en 1966 devront travailler sept mois de plus que les hommes de la même génération, et 9 mois de plus si elles sont nées en 1972, contre 5 pour les hommes. Ce chiffre passe à 8 mois pour les femmes nées en 1980, contre 4 mois pour les hommes de la même génération.
- Deuxièmement, la retraite minimum de 1 200 euros pour tous n’était qu’un artifice. Elle ne s’appliquera qu’aux carrières complètes, et exclut de fait les personnes qui perçoivent de modestes pensions en raison de carrières incomplètes. En réalité, seuls 10 à 20 000 nouveaux retraités atteindront le seuil de la retraite à 1 200 euros par mois, contrairement à ce qu’avaient indiqué bon nombre de membres du Gouvernement, qui avaient annoncé que cette mesure bénéficierait à 40 000 personnes par an. De plus, il est erroné de dire qu’un « gros tiers » des nouveaux retraités bénéficieront d’une revalorisation de leur pension supérieure à 70 euros par mois. Selon les chiffres exacts que nous avons pu consulter, seulement 19,2% des 199 723 retraites de la génération 1962 bénéficieront d’une revalorisation de pension supérieure à 70 euros par mois. Ce chiffre passera à 25% pour la génération 1972 en 2034, mais ne devrait jamais atteindre plus de 30%.
- Troisièmement, celles et ceux qui ont débuté une activité professionnelle de manière précoce, devront cotiser pendant 44 ans. D’après un tableau émanant du gouvernement lui-même, la réforme des retraites aura pour conséquence que les personnes ayant commencé à travailler à l’âge de 14, 16 ou 18 ans devront verser des cotisations pendant 44 ans afin de pouvoir bénéficier de leur retraite, contrairement à un individu qui aurait débuté sa carrière à l’âge de 22 ou 23 ans et qui ne devra cotiser que pendant 43 années. Il s’agit là d’une injustice supplémentaire, d’autant plus inacceptable que les travailleurs exposés à des conditions de travail difficiles sont déjà ceux qui enregistrent les durées de retraite les plus courtes. On observe en effet une différence d’espérance de vie de 13 années entre les 5 % de citoyens français les plus riches et les 5 % les plus pauvres, et de 7 années entre un cadre et un ouvrier ! De fait, la réforme des retraites du gouvernement revient à imposer une forme d’impôt sur la vie. Ce seul report de 2 ans de l’âge légal de départ correspond à 10 000 décès annuels supplémentaires avant d’accéder à la retraite.
Pour toutes ces raisons et bien d’autres, je poursuivrai cette bataille contre une réforme injuste, pour laquelle des alternatives existent, et nous chercherons à empêcher l’adoption de la réforme des retraites par tous les moyens constitutionnels à notre disposition.
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